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« L’immunité » dans l’EPC : une structure du péché en expérimentation ?

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » disait Nicolas Boileau. Cette citation ne semble pas faire la part belle au concept d'immunité qui commence à faire son chemin dans l'Eglise presbytérienne Camerounaise. En effet, de manière plus ouverte, certains officiers des juridictions dans l’EPC, principalement des Modérateurs au niveau de l'Assemblée Générale, brandissent avec arrogance l'immunité dont ils jouissent durant leur mandat d’un an et un an après la cessation de leur fonction. Mais quelle est la référence administrative de cette décision d'immunité ? Si référence il y a, cette décision est-elle compatible avec la loi fondamentale de l’EPC ?

Au moment où d'autres responsables de juridictions, cette fois ci des modérateurs au niveau des Synodes demandent à jouir de cette immunité il est temps de se poser les questions sur les bienfaits ou les méfaits de ce concept dans notre Eglise. Je partage avec tous ici, le produit de mes recherches, mes analyses et mes propositions.

 

1.- C’EST QUOI L’IMMUNITE ?

 

En droit, c’est une exemption, une prérogative accordée à une catégorie de personnes. En droit constitutionnel, c’est un privilège qui soustrait un parlementaire de toute action pénale pendant la durée de son mandat, sauf en cas de délit qui demanderait une levée de son immunité afin qu’il puisse être jugé.

 

2-.  ORIGINES DU MOT IMMUNITE DANS L’EPC ET CE A QUOI IL FAIT REFERENCE

 

C’est lors de la 43e Assemblée Générale de l’EPC à Abong-Mbang en Janvier 2000 que les rapports du Modérateur de la 42e AG EPC et celui du Secrétaire Général de l’EPC mentionnent le mot immunité.

 

Rapport du Modérateur de la 42e AG EPC

« RECOMMANDATIONS

1-. Que les responsables, démocratiquement élus à la tête de nos juridictions (Consistoire, Synode, Assemblée Générale) gardent leur « immunité » vis à vis des juridictions inférieures pendant l’exercice de leur fonction

2-. Que les responsables démocratiquement élus au sommet de notre Eglise et qui ont normalement terminé leur mandat continuent à garder leur « immunité » pendant au moins un an car au cours de cette période ils jouent le rôle de consultant et de conseiller technique auprès de la nouvelle équipe dirigeante » (Minutes 43e AG EPC page 17)

 

Rapport du Secrétaire Général de l’EPC

« RECOMMANDATIONS

1-. Compte tenu des situations qui ont prévalu dans les Consistoires à savoir la sanction (mise sous discipline) des officiers de juridiction supérieures,

Que la présente Assemblée Générale mette au point interdisant formellement la sanction d’un officier d’une instance supérieure par une instance inférieure tout au long et jusqu’à un an après son mandat.

Seule la juridiction qui l’utilise et celles supérieures sont habilitées à être saisie de leurs cas (Minutes 43e AG EPC page 35)

 

3.- DE L’ABSENCE DE DECISION SUR L’IMMUNITE ET DE LA VIOLATION DE LA LOI FONDAMENTALE DE L’EGLISE

 

3.1. De l’absence de décision sur l’immunité dans l’EPC

 

Si la 43e AG EPC a connu la question d’immunité pour des officiers des juridictions, au travers des rapports ci-dessus mentionnés, à ce jour, elle n’a jamais pris une décision en ce sens. Lorsqu’on veut donner la référence d’une décision, on doit communiquer l’année, le lieu, le document dans lequel il figure et la page dans celui-ci. Le document de référence des décisions dans notre Eglise reste les Minutes de la Juridiction. Nul n’est en capacité aujourd’hui dans l’EPC d’infirmer ou de confirmer que la 43e AG EPC a adopté « l’immunité des officiers des juridictions » pour une raison simple : LE RAPPORT DU COMITE DE CORRESPONDANCE QUI PROPOSE SES AVIS A L’ASSEMBLEE GENERALE N’EXISTE PAS DANS LES MINUTES DE LA 43E AG EPC ! OR, LES RECOMMANDATIONS D’UN OFFICIER DE JURIDICTION, EMIS DANS SON RAPPORT, NE SONT PAS DES DECISIONS D’UNE JURIDICTION.

 

Il se pose ainsi aujourd’hui, la question du droit l’usage dans notre Eglise d’un privilège qui ne repose pas sur une décision claire, légale et consultable par tous les membres de l’EPC

 

3.2. De la violation de la loi fondamentale de l’Eglise

 

La décision d’accorder « l’immunité » aux officiers des juridictions invite directement et sans détours à une « ouverture » vers les Consistoires pour un amendement du livre de Gouvernement et du livre de Discipline. La Constitution de l’EPC connaît des « Officiers de l’Eglise » que sont les pasteurs, les anciens d’Eglise et les diacres (FG Chapitre III Article 2) En matière disciplinaire, la juridiction de compétence d’un pasteur (officier de l’Eglise), c’est le Consistoire, et pour tous les autres membres de l’Eglise, c’est la Session. (L.D. Chapitre II Article 1)

 

La décision d’immunité dans l’EPC aujourd’hui est le produit d’une forme de Reductio ad absurdum (raisonnement par l’absurde) Pourquoi ?

 

  1. Entre la session d’ouverture et celle de fermeture des travaux des juridictions que sont l’AG et le Synode, le Modérateur de la juridiction préside les Conseils Généraux qui n’ont pas vocation à connaître les affaires judiciaires. Etant « officier de l’Eglise » avant d’être « officier d’une juridiction », en l’absence de mécanisme judiciaire pour des faits qui lui seraient reprochées en tant qu’officier de l’Eglise, que faire des préjudices qui en résulteraient ?
  2. Doit-on mettre sous le boisseau, les délits d’un officier de l’Eglise, quels qu’en soient leurs gravités, pour attendre la prise en charge par la juridiction dont il est officier ? Surtout que la saisine de la juridiction dont il est l’officier ne se fera qu’au moment où il aura quitté le siège en s’assurant que son successeur dont il est le Conseiller, « noie » les poursuites à son encontre ?

 

Si je partage, pour l’honorabilité des responsabilités et la probité de notre Eglise, une « protection » des responsables des juridictions en exercice, j’ai la conviction que cette « immunité » qui est apparue dans notre Eglise, dans la forme qui lui donne une existence, illégale, non vérifiable, sans garde-fou, représente une sorte de « structure du péché » en expérimentation qui prépare des lendemains difficiles pour notre Eglise.

 

« Le concept de « structure de péché » provient d’une réflexion sur la façon dont le mal se structure et en vient finalement à « se bétonner » à cause de l’accumulation d’acte personnels mauvais au niveau le plus élémentaire, avec un effet d’entraînement : plus nous commettons de péchés, plus nous renforçons les structures de péché qui nous conduisent au mal. »[1]

 

L’immunité des officiers des juridictions crée une « parenthèse » dans la loi fondamentale de l’EPC, car elle crée une catégorie « d’intouchables », une catégorie d’officiers de l’Eglise au-dessus des lois qui organisent le fonctionnement de notre Eglise. Ce qui est inadmissible sans l’approbation « des Consistoires » (FG Chapitre XXIV Article 6). Maintenir cette « immunité » déjà problématique, c’est renforcer la course permanente des officiers de l’Eglise à la conquête des postes d’officiers de juridictions. Une chose donnant naissance à une autre, à quelle gestion constitutionnelle devra-t-on s’attendre, venant des officiers élus et exerçant sur une base anti constitutionnelle ?

 

Je pense qu’il n’est pas tard pour notre Eglise, pour l’intérêt et la cohérence de sa missiologie, d’être en phase avec la Parole de Dieu. Nous sommes des êtres faits de chair, mais portés par la grâce du Seigneur pour annoncer la Bonne Nouvelle du salut en Jésus Christ. Notre Seigneur, en mission, ne s’est pas préoccupé de se placer sur un piédestal, au point de connaitre les humiliations qu’il a connu jusqu’à la Croix. Ses disciples que nous voulons être gagneraient plus, pour le bien de l’Eglise, à porter son message avec plus d’humilité que d’immunité.

 

[1] https://questions.aleteia.org/articles/181

 

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